19 juillet 2009
« Centre névralgique de la Brigade criminelle, le palier du troisième étage était un lieu de passage obligé pour qui désirait connaître les dernières nouvelles. Les notes de service et autres télégrammes étaient punaisés sur les murs, une vieille armoire vitrée présentait les produits vendus par l’amicale (…) Il faisait bon vivre dans ce service. Des flics s’interpellaient à qui mieux mieux, d’autres se lançaient des vannes après s’être serrés la main… »
Hervé Jourdain est capitaine de police à la brigade criminelle et au fil des pages, dans son roman (policier, évidemment), Sang d’encre au 36 (éd. Les Nouveaux auteurs), il nous invite au sein d’un groupe d’enquêteurs. Et nous nous retrouvons un peu comme un stagiaire qui suit la progression d’une enquête criminelle – de l’intérieur. Et quelle enquête !
Tout démarre avec le meurtre du surveillant d’un collège de banlieue : deux balles à bout portant, tirées par un mystérieux motard. Une scène de crime sur le trottoir, et pour les policiers, le même scénario que d’habitude : « Identifier le cadavre, entendre les témoins, annoncer la mort aux proches, assister le médecin légiste lors de l’autopsie, tirer les ficelles, confronter les idées, monter le dossier, vérifier les alibis, travailler les pistes, mettre hors d’état de nuire, obtenir les aveux (…) Des jours de labeur, des nuits d’insomnies et de doutes. »
Mais cette fois, ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que ce mort est le premier d’une longue liste et qu’ils partent à la chasse d’un serial killer…
Et on va les suivre, tout au long de leurs recherches, même si elles ne mènent à rien, comme c’est souvent le cas dans la réalité. « La nouvelle enquête de voisinage n’avait rien donné, malgré la vingtaine d’hommes déployés durant quatre heures (…) Les flics n’apprirent que des broutilles. »
Pas de héros dans cette histoire, mais un travail d’équipe. C’est un peu du Ed McBain à la française, sauf qu’ici on côtoie les techniques les plus modernes. Le tueur vient chatouiller l’un des enquêteurs sur son blog en utilisant l’adresse georges-simenon@hotmail.fr, mais « il y avait autant de protocoles Internet que d’échanges avec son blog » car le lascar piratait des liaisons Wi-Fi non sécurisées (aïe la loi Hadopi !).
Simenon, sa vie et son œuvre, c’est un peu le fil de cette histoire - mais les « seigneurs du 36 » mettront un certain temps à le comprendre.
L’auteur ne nous épargne rien. Il nous entraîne à l’institut médico-légal : « Chaque organe était retiré et pesé par l’aide technique, avant d’être déposé sur une planche en bois, découpé en fines lames, puis étudié par le médecin légiste. Un prélèvement était systématiquement mis en tube. Les restes étaient remisés dans un seau de cinq litres coincé entre les jambes du défunt, avant que le contenu soit reversé dans son habitacle, en attente de la couture. »
Hervé Jourdain est entré dans la police à l’âge de vingt ans. Gardien de la Paix en banlieue parisienne, au bout de 4 ans, il a rejoint les RG, à la 4° section, celle qui s’occupe des « phénomènes de société ». En 2001, une fois son grade de lieutenant en poche, il a intégré un groupe de la brigade criminelle. C’est la découverte de Thierry Jonquet, m’a-t-il dit, qui lui a véritablement donné envie d’écrire : « Car auparavant, j’étais persuadé qu’il était impossible de décrire un groupe d’enquête. Jonquet a été le déclic, d’autant que j’arrivais à saturation lorsque je lisais les polars vantant les flics ou enquêteurs solitaires, borderline, effectuant des miracles malgré des pressions de toutes parts ».
C’est son troisième roman. Le premier, si j’ai bien compris, est resté dans un tiroir ; le second comptait parmi les finalistes du Prix du quai des Orfèvres, mais il n’a jamais été publié ; et celui-ci, Sang d’encre au 36, a obtenu le prix des lecteurs de VSD.
Franchement, ce livre, c’est tout gagnant. Pas de petits génies, pas de « Mais oui, bien sûr ! », pas de renversement de dernière minute, mais le travail rigoureux d’un groupe d’enquêteurs de la crim’ qui s’accrochent à leur affaire, qui veulent la sortir à tout prix, qui sont même prêts à renoncer à leurs vacances, et qui, le nez dans le guidon, passent parfois à côté du petit détail qui pourrait changer tout.
La vraie vie, quoi !